Sr. Dorothy Stang choisit de vivre en extrême pauvreté de manière à aider d’autres qui vivaient en pauvreté. Elle avait une passion pour les gens de toutes cultures, pour la justice sociale, la pacification, l’honnêteté et le respect de l’environnement. Elle avait peu de possessions matérielles: un assortiment de vêtements colorés, un ameublement spartiate et sa Bible, qu’elle transportait partout et qu’elle appelait parfois son « arme ».
Elle transportait cette Bible par un samedi pluvieux de février 2005, tout en cheminant le long d’une route boueuse dans la jungle amazonienne. Elle se dirigeait vers Boa Esperança, un village près d’Anapu, où elle vivait, dans l’état de Para au nord du Brésil. La région se trouve sur la rive orientale de l’Amazone, une région connue pour la richesse de ses ressources naturelles et pour la violence qui bouillonne à cause de contestations pour la terre.
Attendant Sr. Dorothy ce matin-là, il y avait un groupe de paysans dont les maisons avaient été complètement brûlées sur le terrain que le gouvernement fédéral avait octroyé à ces paysans. Dans tout l’état de Para et dans un lieu comme Boa Esperança, un titre légal à la terre ne met pas toujours fin aux contestations. A Para, des sociétés d’exploitation du bois et de riches éleveurs trouvent l’assistance de la police et de politiciens locaux pour obtenir et confisquer la propriété de peuplades indigènes et de petits fermiers. Alors que Sr. Dorothy s’avançait vers Boa Esperança, elle entendit des injures d’hommes qui s’étaient arrêtés à côté d’elle. La pluie tombait à torrents quand elle s’arrêta et ouvrit sa Bible. Elle fit la lecture pour les hommes. Ils écoutèrent deux versets, reculèrent et épaulèrent leurs fusils. Sr. Dorothy éleva sa Bible vers eux et six coups furent tirés à bout portant. Elle tomba sur le sol, martyrisée.
Durant les jours qui précédaient son assassinat le 12 février 2005, Sr. Dorothy essayait de stopper l’exploitation illégale du bois où des accapareurs de terres avaient des intérêts mais pas de droits légaux. Les autorités croient que le meurtre a été organisé par un éleveur local pour $19,300 (U.S.). Beaucoup pensent qu’un consortium d’exploitants du bois et d’éleveurs avait contribué à la prime pour la tête de Sr. Dorothy dans un effort pour la faire taire. Ironiquement, leur tentative de la réduire au silence a produit l’effet contraire: un monde outragé, bien informé du meurtre par des rapports persistants des media mondiaux, a fait s’élever la voix de Sr.Dorothy vers de nouvelles hauteurs. Et une proclamation du président du Brésil, Luis Inacio « Lula » da Silva, arriva rapidement : le terrain en question, de plus de 22.000 acres (8.800 ha), serait réservé pour le développement durable à mettre en œuvre par les fermiers pauvres dont Sr.Dorothy avait défendu la cause.
Suite à sa mort, le ministre des droits humains du Brésil, Nilmario Miranda, la décrivit comme « une légende, une personne considérée comme un symbole de la lutte pour les droits humains au Para. » Bien que cette louange ait obtenu le consensus mondial, les sœurs qui connaissaient la Sr. Dorothy réaliste disent qu’elle aurait été humiliée d’être appelée une légende. Ayant parlé avec Sr. Dorothy quelques jours avant sa mort au sujet de menaces envers elle et envers d’autres, M. Miranda dit : “Elle demandait toujours une protection pour d’autres, jamais pour elle-même. ″
Ses sœurs, sa famille, ses ami(e)s et collègues rassemblés autour de tables, lors de veillées de prières et dans des classes du monde entier, essaient de comprendre les faits et circonstances qui ont mené à la mort de Sr. Dorothy. Beaucoup sont curieux d’en savoir davantage au sujet de son ministère et, d’abord, de ce qui l’a amenée au Brésil.
Comme la plupart des Sœurs de Notre-Dame de Namur, Dorothy Stang choisit la vie dans cette congrégation qui a une nette préférence pour le travail parmi ceux qui vivent en pauvreté. A l’âge de 18 ans, elle écrivit sa candidature pour rejoindre les sœurs et elle écrivit audacieusement en haut du formulaire: « J’aimerais être volontaire pour les missions chinoises. » Elle ne servit jamais en Chine, mais son rêve de travail missionnaire fut réalisé au Brésil.
Sr.Dorothy vécut et travailla au Brésil pendant près de 40 ans. Elle y alla pour la première fois en 1966 avec cinq autres Sœurs de Notre-Dame. A l’époque, Sr. Dorothy et ses sœurs ne parlaient pas le portugais, ou à peine. Aussi commencèrent- elles le ministère par l’apprentissage de la langue. Bientôt elles établirent un nouveau couvent à Coroatá dans l’état de Maranhão, où elles formèrent des catéchistes laïcs et donnèrent l’instruction religieuse à des adultes. Avec le temps, les sœurs devinrent plus conscientes des problèmes sociaux qui troublaient la région, particulièrement de l’oppression des fermiers. Les sœurs réagirent en insistant sur la doctrine fondamentale des droits humains dans leurs leçons et leur travail prit de nouvelles proportions et s’étendit vers de nouvelles régions du Brésil.
Sr.Barbara English faisait partie du groupe qui voyagea au Brésil avec Sr. Dorothy. Elle se souvient: « Dès 1968, nous toutes (SND) au Brésil étions conscientes de la répression et de la violence promues par la dictature militaire. Les gens qui travaillaient pour les droits humains et pour les droits des petits fermiers à la terre étaient étiquetés comme subversifs et la dictature militaire leur faisait la chasse. »
Au début des années 1970, le gouvernement brésilien fit valoir auprès des gens appauvris l’avantage qu’ils auraient à déménager vers la région transamazonienne. Les gens sans terre virent là une opportunité de devenir propriétaires d’une ferme. Beaucoup s’en allèrent vers l’état de Para pour commencer une nouvelle vie pour leur famille. Ceci réveilla en Sr. Dorothy quelque chose qui aurait attiré beaucoup de Sœurs de Notre-Dame – la chance d’aider les gens à créer une meilleure vie pour eux-mêmes. Elle fit ses bagages et rejoignit les fermiers dans leur voyage vers la nouvelle frontière, mais une fois arrivés là, ils réalisèrent tous que la pauvreté et l’insécurité qu’ils avaient laissées derrière eux avaient été remplacées par de nouveaux problèmes: des accapareurs de terres, désireux d’occuper le sol que les fermiers étaient venus labourer, en prenaient possession. Les personnages officiels de Para n’offraient aucun remède, vu que beaucoup de policiers et de politiciens étaient bien payés pour alarmer les propriétaires des fermes.
Les fermiers qui avaient voyagé jusque dans la région sur l’avis du gouvernement brésilien trouvèrent que leurs rêves d’indépendance et de sécurité pour leurs familles étaient, non seulement trompeurs, mais dangereux. Aussi s’enfoncèrent-ils toujours plus avant dans la forêt et Sr. Dorothy déménagea avec eux. Cependant, la situation était la même après chaque migration et, d’après Sr. Barbara, dès 1980 il devint évident que le gouvernement avait d’autres plans pour la région.
Le grand Projet Carajás destinait 10.5 millions d’acres (4.200.000 ha) au nord du Brésil au développement, englobant trois états dont le Para. Sr. Barbara se souvient: « Ce secteur du Brésil contenait tout minerai imaginable, ainsi que des possibilités d’autoroutes, de chemins de fer et de voies navigables pour le transport, de même que des possibilités de digues pour l’énergie. » Le plan était d’ouvrir le terrain pour les mines, le raffinement et des projets agro-industriels.
« Ils étaient David face à Goliath, » dit Sr. Barbara, parlant de Sr. Dorothy et des fermiers, « et Goliath arriva sous la forme de multinationales, de grandes entreprises, de sociétés d’élevage et de bois de construction… Elles commencèrent à dévorer la forêt amazonienne. » (Les environnementalistes estiment que l’Amazone perd 52.000 km² de forêt par an et qu’environ 20% de ses 4.100.000 km² ont déjà été abattus pour faire place à des pâturages pour le bétail ou pour abattre des cèdres, de l’acajou et d’autres bois précieux.)
Sr. Dorothy et « son peuple » se sont enfoncés toujours plus avant dans la forêt. Son rêve d’engager sûrement des familles sans terre dans des projets de développement durable l’a finalement amenée à Anapu, dans l’état de Para, en 1982. Là, elle travailla à développer un nouveau type de société agraire qui aidait des familles de fermiers de diverses cultures à développer des liens entre elles et à apprendre comment utiliser le sol pour se soutenir tout en respectant la terre. Avec l’aide de Sr. Dorothy, les communautés d’Anapu vivaient en solidarité et dans le respect de l’environnement. Au cours de ces années, elle travaillait avec la Commission pastorale de la terre, agence de la Conférence épiscopale du Brésil. Elle aidait aussi à promouvoir de petits projets d’entreprises familiales dans le village, en obtenant souvent que les femmes gagnent leur vie, pour la première fois dans beaucoup de familles.
« Elle aidait à former des techniciens agricoles et elle travaillait dur pour créer une usine de traitement de fruits », dit Betsy Flynn, une Sœur de Notre-Dame qui a aussi été amenée au Brésil par son ministère. Sr. Betsy se souvient de Sr. Dorothy comme de quelqu’un qui soutenait aussi la communauté qu’elle aidait à construire par l’éducation et les soins de santé. » Elle travaillait à créer des écoles et elle aidait les enseignant(e)s à être formé(e)s et diplômé(e)s correctement », dit Sr.Betsy. « »Beaucoup de gens ont appris à lire et à écrire à cause de Sr. Dorothy Stang. Elle avait aussi une vaste connaissance de remèdes populaires, particulièrement utiles dans des régions où les médecins et les hôpitaux sont rares, et où le coût des médicaments est souvent exorbitant. »
La dernière année de sa vie, Sr. Dorothy fut naturalisée citoyenne du Brésil. Elle reçut une distinction humanitaire de la part d’une association de juristes brésiliens, et des personnages officiels de l’état de Para la nommèrent « Femme de l’année. » Ces deux distinctions honorifiques lui furent données à cause de son travail en vue d’assurer les droits de la terre aux paysans, mais pendant qu’elle recevait le prix des officiels de Para, un plan était en cours pour une autoroute pavée à travers la région, ce qui faisait monter la valeur du terrain et provoquait une escalade de violence.
Au niveau fédéral, le Président da Silva est coincé entre une promesse de trouver des foyers pour 400.000 familles sans terre, un désir exprimé de protéger la forêt tropicale et la pression pour ouvrir des étendues de forêt afin de soutenir la croissance économique. La pression externe vient du Fonds monétaire international, qui a prêté des milliards de dollars au Brésil après sa récession de 2002.La vie est dangereuse et compliquée pour beaucoup de personnes au Brésil, mais davantage encore pour les gens de Para. La Commission pastorale de la terre a rapporté récemment que l’état de Para a été le lieu de 40% des 1.237 assassinats commis au Brésil au cours des 30 dernières années, à cause de conflits pour la terre. Les nombreuses préoccupations autour du climat de corruption dans l’état de Para ont suscité des efforts pour que l’enquête au sujet du meurtre de Sr. Dorothy passe de l’état au gouvernement fédéral. On croit généralement qu’un procès honnête ne peut avoir lieu dans l’état de Para.
Mary Alice McCabe, SND, qui défend les droits des familles qui dépendent de la pêche dans l’état de Ceara au Brésil, dit de Sr. Dorothy: « Elle était avec les fermiers migrants exclus dans leur recherche constante et vaine d’un lopin de terre qu’ils auraient pu appeler le leur. Elle faisait pression sans arrêt sur le gouvernement pour qu’il fasse son travail en défendant les droits du peuple. Elle n’a jamais abandonné. Elle n’a jamais perdu espoir. »
Plusieurs milliers de personnes ont assisté aux funérailles de Sr. Dorothy. Au cours du mois suivant son assassinat, quatre hommes furent arrêtés et inculpés du meurtre. Le Président da Silva envoya 2.000 hommes de troupe dans la région pour réprimer la violence, tandis que les Etats-Unis envoyaient des agents du FBI (bureau fédéral d’investigation) pour enquêter sur le meurtre. Des services à sa mémoire furent célébrés dans le monde entier et l’ambassadeur du Brésil aux Etats-Unis prit la parole lors d’une messe à la mémoire de Sr. Dorothy à Baltimore. Le 9 mars 2005, la résolution n°89 du Congrès des Etats-Unis fut adoptée, pour honorer la vie de Sr. Dorothy Stang. Le 10 décembre 2008, Sr.Dorothy reçut à titre posthume la distinction des Nations unies de 2008 dans le domaine des droits humains.
Elle est enterrée dans un bosquet à Anapu, sa tombe marquée d’une simple croix de bois portant son nom et les dates de sa naissance et de sa mort.
Visitez le site de l’Ohio pour plus d’informations au sujet de Sr. Dorothy.