NAISSANCEDE LA CONGREGATION DES SŒURS DE NOTRE-DAME DE NAMUR ET SON EXPANSION
Par Marie-Angèle Kitewo, SNDdeN
Les expériences spirituelles vécues jour après jour nous apprennent que Dieu, qui conduit tout par sa grande sagesse et bonté, veut que le monde soit sauvé; il se sert des petits et des faibles pour que sa force et son amour soient reconnus de tous.
Julie Billiart, née à Cuvilly en 1751 et décédée à Namur en 1816, fut une de ces humbles femmes choisies par Dieu pour faire connaître sa bonté. Cette campagnarde expérimente la pauvreté, les durs travaux des champs et, vingt-deux années durant, souffre de paralysie. Mais elle fait en même temps l’expérience de la bonté de Dieu. Le curé de sa paroisse, l’abbé Dangicourt, lui ouvre les voies de l’oraison et l’admet, dès l’âge de neuf ans, à la communion fréquente. Pénétrée d’un grand amour pour Dieu et son peuple, elle communique quelque chose de sa flamme à tous ceux qu’elle rencontre: enfants du catéchisme, clients du magasin familial, ouvriers agricoles avec qui elle s’embauche pour la moisson, châtelaines en vacances… Réfugiée à Compiègne durant la Terreur, elle est privée des sacrements, paralysée, souffrant des nerfs, elle n’a plus que Dieu! Et Dieu se communique, lui montrant le Crucifié entouré de nombreuses religieuses: « Voilà les filles que je te donne dans un Institut qui sera marqué de ma Croix. »
D’autres jeunes filles, attirées par le dynamisme des premières sœurs, se joignent à elles. Les Pères de la Foi associent la communauté à une grande mission populaire qu’ils organisent pour l’ensemble des paroisses d’Amiens. Puis, le père Enfantin commence une neuvaine au Sacré-Cœur pour obtenir la guérison de Julie; il invite Julie à prier avec lui « pour la personne qui l’intéresse. » Le vendredi 1er juin 1804, cinquième jour de cette prière intense, le père Enfantin dit à l’infirme: « Mère Julie, si vous avez la foi, faites un pas en l’honneur du Cœur de Jésus… faites un second pas… un troisième… c’est assez: asseyez-vous. » Ce n’est que le 5 juin qu’elle pourra manifester sa guérison à la communauté. La voyant marcher, les sœurs entonnent le « Te Deum laudamus ! »
La santé revenue, elle entreprend de nombreux voyages apostoliques et les premières fondations~: Saint Nicolas au diocèse de Gand, et Bordeaux où une communauté souhaite s’unir aux Sœurs de Notre-Dame, en 1806; Montdidier et Namur en 1807~ ; Jumet, au diocèse de Tournai, en 1808.
En 1794, elle rencontre Françoise Blin de Bourdon (née à Gézaincourt en 1756; décédée à Namur en 1838). Cette rencontre eut lieu dans son hôtel d’Amiens. C’est le début d’une amitié indéfectible. Un premier groupe de jeunes filles se réunit autour des deux amies, puis se dissout. Françoise songe au Carmel… Julie patiente.
Le père Varin, des Pères de la Foi, demande à Julie et Françoise de se consacrer à l’instruction chrétienne des jeunes filles pauvres.
Le 2 février 1804, Julie Billiart, Françoise Blin de Bourdon et Catherine Duchatel font ou renouvellent le vœu de chasteté et s’engagent à travailler à l’instruction chrétienne des jeunes filles pauvres. Elles promettent à Dieu « de former des maîtresses d’école pour les campagnes. » Pour témoigner son amour envers la Sainte Vierge Marie, Julie lui consacre sa nouvelle famille religieuse: les Sœurs de Notre-Dame.
Ces voyages sont vus d’un mauvais œil par Mgr Demandolx, évêque d’Amiens, influencé par le supérieur des sœurs, l’abbé de Sambucy de St. Estève. Deux années durant, un conflit couve, alimenté par toutes sortes de mesquineries. La question centrale est le type de gouvernement des Sœurs de Notre-Dame: l’évêque souhaite se limiter à une congrégation diocésaine, voire même à la seule maison d’Amiens. Les fondatrices, quant à elles, veulent la liberté de fonder plusieurs communautés sous l’autorité d’une supérieure générale qui maintiendra l’unité et la solidarité entre elles. Les intérêts financiers ne sont pas exclus des ces querelles: Mère Saint-Joseph (Françoise Blin de Bourdon) a investi sa fortune dans la congrégation, alors que certains souhaitent que ses revenus restent à Amiens…
Soutenue par les évêques de Gand et de Namur, Julie patiente; elle attend un signe clair de la volonté de Dieu. En janvier 1809, Mgr Demandolx fait dire à Mère Julie qu’il reprend la maison d’Amiens et qu’elle est libre de se retirer dans le diocèse de son choix. C’est l’exil. Presque toutes les sœurs suivent leurs mères à Namur. Dès lors elles deviennent les Sœurs de Notre-Dame de Namur.
« Aujourd’hui ici, demain ailleurs: la terre entière est au Seigneur, et tout doit être égal aux Sœurs de Notre-Dame qui ont le bonheur de suivre leur divin Maître. » Pour porter plus loin la lumière du Christ, Julie n’hésite jamais à se rendre là où on l’appelle, s’efforçant de discerner ce que le bon Dieu veut.
C’est ainsi qu’elle fonde les communautés de Gand (St. Pierre) et de Saint-Hubert en 1809; Gand (Nouveau-Bois) en 1810, Zele en 1811, Andenne et Gembloux en 1813, Fleurus en 1814; elle prépare les fondations de Liège et Dinant. Par contre, les voyages à Binche, Breda (Pays-Bas), Rochefort, Audenaerde et Stavelot n’aboutissent à aucun résultat.
Mgr Demandolx se repent d’avoir expulsé Julie. En effet, il se rend compte d’avoir été trompé. Il la rappelle en 1812. Malgré tous ses efforts, la fondatrice n’arrive pas à faire revivre Amiens. La maison est fermée en 1813. Bientôt il faudra aussi fermer Montdidier, ainsi que d’autres petites communautés fondées en France.
Lorsque le 8 avril 1816 à Namur, Mère Julie remet paisiblement son esprit à Dieu, « son bon Père, » l’arbuste qu’elle a planté à Amiens, puis transplanté à Namur, est bien enraciné en terre belge. Cependant l’évêque de Gand, Mgr de Broglie, avait prophétisé une expansion universelle: « Ma Mère Julie, votre vocation est d’aller partout dans le monde. »
Mère Saint-Joseph poursuit l’œuvre entreprise: elle rédige et fait approuver les règles (1816 – 1818). Elle accueille des postulantes hollandaises qui deviendront les Sœurs de Notre-Dame d’Amersfoort. Celles-ci à leur tour guideront les premières Sœurs de Notre-Dame de Coesfeld. Mère Saint-Joseph ouvre encore plusieurs maisons en Belgique.
Avec Mère Ignace Goethals et les supérieures générales suivantes, l’expansion se poursuit: Etats-Unis dès 1804, Angleterre, Guatemala, Congo, Ecosse, Rhodésie, Etat d’Orange, Japon, Chine, Italie, Iles Hawaï, France, Nigeria, Kenya, Brésil, Pérou, Mexique, Nicaragua… Partout, les Sœurs de Notre-Dame sont appréciées, car partout il y a des orphelins, des analphabètes, des païens, des pauvres et des démunis à qui les sœurs offrent leur service. Averties des besoins du peuple à servir, elles restent toujours et partout soucieuses de l’éducation: « Allez dans le monde entier; leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. »
Ainsi les filles de Julie peuvent chanter avec confiance:
« Le Seigneur a béni le grain de sénevé
Et bien haut dans l’azur l’arbre s’est élevé.
Ah! comme il est bon, le bon Dieu!
Proclament la terre et les cieux.
Que d’un bout du monde à l’autre
s’allume notre cri d’apôtre. »
