Madame Sylviane, professeur de religion
LES ENFANTS PRIENT …
Le témoignage rédigé par le professeur de religion de l’école primaire à l’Institut N.D. de Charleroi a paru dans la « Revue des paroisses » du doyenné de Charleroi. Quelle simplicité dans la prière des enfants. (Ce récit est communiqué par Sr. Cécile Jordan)
A l’Institut Notre-Dame de Charleroi Ville-Basse, c’est devenu un moment que beaucoup d’enfants attendent – entre cinq et une bonne cinquantaine. Le lundi, sur le temps de midi, est proposé un temps de prière pour les primaires. Très vite, on reconnaît les habitués. Mais il y a aussi ceux qui viennent pour la première fois, ceux qui sont de passage parce qu’il fait froid dehors, ceux qui sont d’autres confessions… mais tous ont ce respect et cette envie de se reconnaître dans l’autre. La pandémie avait forcé l’arrêt de ces rencontres. Les enfants, chaque semaine, demandaient : « C’est aujourd’hui qu’on peut prier ? », « C’est quand qu’on va en bas ? », « On peut faire la prière ? », « On peut aller en secret à la prière ? On dira rien à personne ! »… Alors, quelle ne fut pas la joie pour eux de voir sur le tableau « Lundi de la prière, rendez-vous à 13h dans la cour » et d’entendre effectivement la cloche qui sonne le rappel pour les distraits. Ce sont les cris de joie, les retrouvailles, la reprise de LEUR lundi !!! On descend dans un petit local au fond de la cour, il y a des bancs pour le cours de langue, mais aussi les chaises d’église qui rappellent que nous avons notre place dans l’école. Le petit rituel de début commence : on met une nappe blanche, le crucifix, la clochette, les fleurs, la Bible, et la bougie.
On allume la bougie, le silence se fait, ceux qui le veulent font un signe de croix avec Madame pour dire bonjour à Dieu. Nous remercions le Seigneur de nous accueillir et un passage biblique est lu. Les échanges sont souvent très riches, ceux qui le veulent s’expriment sur ce qu’ils ont compris, ce qui les touche. Il y a un moment de silence pour laisser la Parole agir et résonner, puis nous offrons des intentions de prière coupées par un petit refrain. Déjà l’alarme mise sur le téléphone retentit et tous savent qu’il va falloir clôturer la rencontre. Ceux qui le veulent se mettent debout et se rassemblent en cercle autour de l’autel improvisé pour dire la prière Notre Père, ou simplement pour écouter et être là, d’autres restent assis en silence. On chante souvent aussi un Je vous salue Marie. Le signe de croix clôture notre célébration. Pendant tout ce moment, les enfants sont libres d’aller écrire des intentions de prière qui seront lues à l’église Saint-Antoine le mercredi matin. Ces prières sont fort appréciées par les habitués de l’église, ravis de partager les joies et les peines, les rires et les difficultés d’enfants ô combien sincères dans leurs messages adressés à Dieu.
Voir le « cahier de prières », c’est déjà du bonheur, découvrir les paroles toutes simples, mais parfois si profondes ou chargées de douleur, est un moment très émouvant.
Les enfants s’en retournent dans leur rang, pour certains apaisés, pour d’autres encore émus ou les yeux mouillés de larmes, mais contents d’avoir été là, et d’avoir une étoile en plus sur leur carte de fidélité qu’ils sont fiers d’exhiber dans la cour, auprès de leur enseignant, auprès du directeur ou encore de leur famille en rentrant.
OUI, les enfants prient. Et voici quelques témoignages :
- J’aime prier parce que comme ça je peux parler à Dieu.
- Moi, j’aime prier parce que à la maison je sais pas, j’ai pas le temps. Ici, je sais que je peux.
- Prier, c’est parler à Dieu. Parfois je le fais quand je suis tout seul parce que je veux pas qu’on se moque de moi.
- J’ai besoin de prier pour que Dieu protège ma famille.
- Je veux prier parce qu’il y a des pauvres dans la rue qui ont pas à manger, et c’est pas juste. Alors je donne parfois ma collation.
- Mes parents regardent la télévision et j’ai vu qu’il y a la guerre. Alors je demande à Dieu qu’il arrête tout ça et que il met l’amour dans le cœur des chefs et des soldats.
- Je suis triste que mes parents se disputent, alors je prie pour que Dieu il dit à mes parents de faire la paix.
- Ma mamie est morte ; alors je prie Dieu qu’elle est bien près de lui et que je peux lui parler.
- Mes grands-pères sont morts. Alors je prie pour leur parler parce qu’ils sont près de Dieu et que Dieu il écoute toutes les prières.
Il y en a tellement ! Mais certains enfants qui se sont confiés ont demandé de ne pas répéter ce qu’ils ont dit parce que c’est personnel et que seul Dieu (et Madame) peut entendre et comprendre. Et croyez-moi, ils encaissent et continuent à rire au monde entier. Mais quand on leur donne l’occasion de déposer leur fardeau, on découvre l’envers du décor, la force, la foi, l’amour, le pardon, la générosité,… qui les habitent. Oui, les enfants prient. Et nous ?…